La mort reste un mot difficile à prononcer et une réalité à accepter. Elle nous laisse toujours un profond vide à l’intérieur et nous apprend l’importance de la vie et son vrai sens. La mort nous plonge dans une tristesse atroce et une douleur insupportable. Il est difficile d’accepter de perdre un être. Et les souvenirs sont les seuls moyens qui permettent de revivre les bons moments. Chaque sourire, chaque geste, chaque mot, chaque regard, chaque câlin restent à jamais dans nos cœurs.
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Âgée de 20 ans, Berth Jessie Isaac, a perdu son père dès l’âge de 14 ans. Elève de la 9e année fondamentale, cette disparition dramatique a laissé un vide d’amour paternel qui l’a attristée surtout quand les autres enfants sont accompagnés de leur papa sur la route de l’école. Jessie a passé une bonne partie de son adolescence à vivre avec cette amertume.
« Ce n’était pas facile. J’étais jeune, certes, mais je ne pouvais pas accepter de perdre mon père. On avait une relation plus que père et fille. Ce qui m’a tragiquement touché, il est parti quelques jours après mon anniversaire de naissance et aussi à la veille de la rentrée des classes. Du coup, cela m’avait affecté moralement, se rappelle Jessie Isaac d’une voix empreinte de tristesse.
Soudainement, j’ai régressé à l’école. Heureusement, ma mère a dû me combler pour surmonter cette rude épreuve. En effet, toute la famille gardait l’espoir qu’un jour, il allait se remettre de sa maladie. Il souffrait de l’insuffisance rénale. Aujourd’hui, je garde encore de bons souvenirs de lui.»
La perte d’un être cher peut engendrer des conséquences sur la santé, tant sur le plan psychologique que sur le plan physique. Le départ d’un proche est une lourde épreuve à traverser. Il est souhaitable de laisser libre cours au chagrin et de vivre chacune des étapes du deuil le plus sainement possible. Un deuil refoulé ou rempli d’obstacles peut entraîner des répercussions qui vont bien au-delà du simple malaise émotif, à en croire des psychologues interrogés dans le cadre de ce reportage.
Vivre le deuil peut se répercuter sur la santé mentale et ce, de diverses manières : le stress, la fatigue, les troubles du sommeil, l’anxiété, le manque d’énergie, la dépression ; l’augmentation des douleurs musculaires ou articulaires, troubles digestifs, vertiges, palpitations, aggravation de problèmes de la peau (irritation, eczéma).
C’est aussi le cas pour Patricia Nhorma nohavah Paul, diplômée en droit à l’Académie nationale diplomatique et consulaire (ANDC), qui a perdu sa tante en juillet 2016. Ce qui était étrange, c’est qu’ elle est partie après une journée passée avec sa famille, avec son visage plein de vie. D’un air très triste et les mains tremblotantes, Patricia revit certains moments passés avec sa chère tante.
« Psychologiquement, on était pas préparé à vivre une telle expérience. Elle ne souffrait d’aucune maladie. La douleur était encore plus terrible. On n’arrive pas à surmonter cette perte. Il y a des moments de la vie où nous repensons à ma tante. Si, elle était là cette situation serait plus facile à gérer. Mais hélas!! Jusqu’à présent il paraît difficile de l’accepter et fait le deuil est un mode de vie », témoigne-t-elle avec beaucoup de regrets.
Les séquelles d’une telle tragédie
Selon la psychologue Ruth Dorméus, on peut essayer de survivre parce que cette option n’a plus de sens pour les proches de la victime. Le chagrin est réel parce que la perte est réelle. Le deuil arrive en un moment, mais ses conséquences durent toute une vie. Chaque perte laisse sa propre trace aussi distinctive et unique que la personne que nous avons perdue. Survivre avec cette lourde peine, accepter le décès et apprendre à faire son deuil est l’un des défis les plus douloureux de l’existence.
«On peut essayer de surmonter ces épreuves après avoir perdu un proche en vous donnant du temps, ne soyez pas trop pressés de faire votre deuil, cela peut être particulièrement néfaste. Essayer d’accepter que cette personne ne fasse plus partie de ce monde, essayez d’accepter la douleur, parlez avec des gens qui vous comprennent et qui partagent votre peine, cela pourra vous libérer, dites ce que vous ressentez. N’arrêtez pas de vivre et ne vous culpabilisez pas. Cherchez de l’aide», conseille Ruth Dorméus
Il est difficile pour l’esprit et pour le cœur d’accepter la mort sans un corps
Sans la présence effective du corps de la personne morte, le travail d’adieu sera plus long et extrêmement difficile à accepter. Voir le corps permet de comprendre que la mort est une étape normale du deuil. Les gens ont besoin de voir. Mais quand on ne voit pas, on ne sait pas, on imagine comment est-elle morte et voici comment sont venus des moments d’angoisses et des nuits de cauchemars. »
Rachelle Geffrard, chanteuse évoluant dans le secteur évangélique, dont sa sœur aînée est décédée lors du cataclysme du 12 janvier 2010 n’arrive pas jusqu‘ici à se remettre vu qu’elle et sa sœur entretenaient une relation amicale très étroite. « J’ai fini par l’accepter. Après 11 ans, je ressens toujours sa présence. Ce qui était encore plus tragique, on n’a pas pu retrouver sa dépouille. Et cela donne l’impression qu’elle est morte deux fois. Mais son corps pourrait bien nous aider à revivre un dernier moment ensemble», se plaint Rachelle Geffrard.
A en croire, la psychologue Ruth Dorméus, il est difficile pour l’esprit et le cœur d’accepter la mort sans un corps mais c’est aussi plus dur sans les rituels et une cérémonie. « Voir le corps du défunt permet aux proches de pouvoir se rassurer. On aime garder un bon souvenir de quelqu’un. Un mort dans un cercueil donne l’impression de dormir paisiblement, et cela reflète une image apaisante dans notre esprit. Pour soulager cette peine, les proches peuvent regarder directement ou par vidéo pour voir les décombres. Ils peuvent aussi rassembler les vêtements et quelques photos pour les mettre dans un cercueil et organiser une cérémonie d’adieu», explique Ruth Dorméus.
Plus loin, la spécialiste propose des étapes qui peuvent aider à survivre. La première consiste à faire le déni. C’est-à-dire, apprendre à accepter que la personne ne reviendra pas. Cette fois, il n’est pas passé au travers. Avec chaque réalisation de la vérité, vous commencez à gravir la montagne en réalisant qu’elle est vraiment partie. En acceptant la réalité de la perte et en commençant à vous poser des questions, vous commencez inconsciemment le processus de guérison. « La colère est une étape nécessaire du processus de guérison. Soyez prêt à ressentir votre colère. Plus vous la ressentez vraiment, plus elle commencera à se dissiper et plus vite vous guérirez. Il y a beaucoup d’émotions sous la colère », souligne-t-elle.
Autre étape qu’elle propose, c’est l’acceptation. Celle-ci consiste à accepter la réalité que la personne aimée est physiquement partie et que cette nouvelle réalité est permanente. La psychologue a prodigué quelques conseils pouvant aider aux proches des défunts de mieux faire face à cette période de transition qui sont : N’hésitez pas à parler de ce que vous ressentez ; choisissez des confidents qui sont à l’écoute et intéressés par ce que vous vivez ; lisez sur le deuil et ses différentes étapes ; autorisez-vous à vivre les émotions inhérentes au deuil. D’après elle, si parler de ce que vous vivez est difficile, écrivez. Vous pouvez même rédiger une lettre s’adressant au défunt.
Ruth Dorméus estime que pour bien traverser un deuil, il est souhaitable de vivre ses émotions et d’être bien entouré. « Ne restez pas dans l’ombre et utilisez les ressources autour de vous. Si vous croyez que le deuil affecte votre santé, ne tardez pas à consulter un professionnel de la santé mentale. Bien que cela puisse paraître difficile à imaginer, le temps adoucit le deuil, surtout pour les personnes qui s’emploient à le vivre sainement. Progressivement, le chagrin finit par laisser la place aux souvenirs les plus heureux », conclut Mme Dorméus.
A noter que la mort est l’épreuve la plus difficile et inacceptable de la vie. De l’absence, les questionnements et la détresse. La relation avec les personnes s’arrêtent d’un coup. La dépression envahit, la tristesse, le constat, la présence de nos sentiments, les souvenirs qui nous font souffrir, et définitivement chaque jour est une épreuve à affronter.